- SYSTÈME (épistémologie)
- SYSTÈME (épistémologie)La notion de système apparaît dans deux catégories de contextes, fort différentes: d’une part, lorsqu’il est question de propositions (dans lesquelles sont exprimées des relations formelles ou des conceptions relatives à la réalité), d’autre part, dans des contextes où interviennent des entités d’une certaine espèce (par exemple, des corps matériels ou des organismes vivants), dont on étudie la structure et l’évolution. Dans les contextes du premier type, «système» est à peu près synonyme de «théorie» (du moins si l’on prend ce dernier terme en un sens très général). Dans ceux du second type, les considérations qui mettent en jeu la notion de système ont été généralisées dans le cadre de la théorie des systèmes.On aura par conséquent à examiner d’abord le système comme forme de discours (théorique), puis la théorie des systèmes.1. Le système comme forme de discoursLa déductibilitéDe façon générale, un discours de type théorique se présente comme une suite de propositions formulées dans un langage qui peut être entièrement artificiel (c’est-à-dire construit selon des règles précises, adoptées à l’avance) ou consister en une extension du langage naturel (obtenue en ajoutant à celui-ci des termes nouveaux, définis dans le contexte de la théorie. Quand on dit qu’un tel discours est un système, on veut indiquer que les propositions qui le constituent forment un tout articulé dans lequel chaque proposition a une relation déterminée avec chacune des autres, qu’elle en découle ou qu’elle soit présupposée par elle. La notion qui servira ici de clef à l’analyse est celle de la déductibilité. Il est possible d’exprimer au moyen de cette notion les diverses relations qui peuvent exister entre propositions (par exemple la compatibilité, la relation de présupposition). Cette notion est de nature purement formelle; elle exprime une relation logique, caractérisable indépendamment du contenu de sens des propositions qu’elle relie. Dans la mesure où l’idée de système est susceptible d’être expliquée au moyen de la relation de déductibilité, elle est elle-même une idée formelle: elle se réfère à la forme que peuvent prendre certaines théories. C’est précisément cet aspect formel de la notion qui se trouve dégagé de la manière la plus rigoureuse dans le concept de système formel. Ce concept a été suggéré par des théories déductives pures, en particulier par la géométrie classique, qui avait été organisée depuis l’Antiquité sous une forme axiomatique. Mais, comme tel, il a une portée tout à fait générale; c’est un concept de base de la logique moderne.Pour préciser la notion de système formel, il sera commode de partir de l’idée tout à fait générale de théorie. Quand on veut formuler une théorie, il faut disposer d’un langage. On appellera ici langage un dispositif abstrait permettant d’engendrer une classe définie d’expressions ayant le statut de propositions. Une classe définie d’objets d’une certaine catégorie est une classe telle que l’on puisse déterminer de façon effective si un objet de la catégorie en question appartient à cette classe. Les propositions sont des unités linguistiques qui, envisagées du point de vue sémantique, sont capables d’exprimer un état de choses (réel ou idéal) et, dès lors, d’être déclarées vraies ou fausses. Considérées du point de vue purement syntaxique, elles seront déclarées valides ou non valides. (La notion de validité correspond simplement à un partage effectué, à l’intérieur du langage, au moyen de prescriptions appropriées; la notion de vérité est relative à une interprétation sémantique, c’est-à-dire à une mise en correspondance entre les expressions du langage et un certain domaine d’entités dont il est possible de parler dans le langage.) Une théorie, formulée dans un langage donné, est tout simplement une classe de propositions de ce langage. Les propositions appartenant à cette classe sont tenues pour valides, les autres pour non valides. En somme, une théorie représente une sélection effectuée parmi les propositions du langage sous-jacent. Elle peut être regardée comme décrivant l’univers pour lequel seraient vraies précisément les propositions qu’elle contient (et, si elle est complète, pour lequel aucune autre proposition ne serait vraie).Une théorie déductive est une théorie engendrée à partir d’une sous-classe définie de propositions (les axiomes), au moyen de règles de transformation formant elles-mêmes une classe définie (ces règles permettent de transformer une suite donnée de propositions en une proposition non contenue dans la suite). La théorie ne constitue pas, en général, une classe définie.Un système formel est une théorie déductive considérée d’un point de vue purement combinatoire, abstraction faite de tout contenu de sens qu’elle pourrait avoir par elle-même. Plus exactement, le langage, dans lequel est formulé un système formel est défini indépendamment de toute interprétation. Ainsi, il contiendra des symboles qui jouent le rôle d’objets formels, des prédicats et des opérateurs (propositionnels) ainsi que des règles spécifiant comment les propositions peuvent être engendrées. (L’application d’un prédicat à n arguments à une suite de n objets formels donne une proposition atomique; en combinant des propositions atomiques au moyen des opérateurs propositionnels, on obtient les propositions complexes.)Les systèmes philosophiquesUne théorie scientifique tend en général, lorsqu’elle atteint un certain degré de maturité, à prendre une forme déductive. On peut alors isoler en quelque sorte son aspect systématique en séparant la structure déductive de l’interprétation. La structure déductive sera présentée comme un système formel pur. L’interprétation associe les propositions du système (ou tout au moins, dans le cas où elle est incomplète, une certaine classe de propositions du système) à des énoncés portant sur les entités du domaine étudié. Autrement dit, l’interprétation revêt les propositions du système (ou une partie d’entre elles) d’une signification; elle les transforme en assertions relatives à une certaine classe d’objets (et à leurs propriétés et relations mutuelles). Dans le cas des théories à portée empirique, l’interprétation doit être soigneusement distinguée du mécanisme de la mise à l’épreuve. Elle est en général formulée dans les termes d’un «modèle» qui ne représente qu’un schéma idéalisé de la réalité concrète. La mise à l’épreuve relie la théorie, munie de son interprétation, à certaines procédures concrètes (par exemple des démarches expérimentales) directement en prise sur le réel interrogé.On peut se demander si c’est bien cette idée-là que l’on retrouve dans ce qu’on appelle les systèmes philosophiques. Un discours philosophique à caractère systématique est constitué, certes, d’un enchaînement de propositions. Mais cet enchaînement n’est pas essentiellement de type déductif (ce qui n’exclut nullement l’intervention de moments déductifs dans la démarche). Le lieu auquel on arrive, en définitive, est le lieu même d’où l’on était parti; mais on le retrouve dans une tout autre perspective. Alors que, au départ, tout était déjà présent mais d’une manière encore enveloppée et non articulée, au terme, le tout est saisi dans son développement intégral, dans l’ensemble, devenu visible, de ses articulations. Cet ensemble constitue précisément le système. Celui-ci apparaît donc comme le déploiement de ce qui ne se donnait encore, dans le moment initial, que sous une forme non manifeste, comme l’exigence seulement de ce déploiement. La construction du système est ainsi une opération de «désimplication»; les différents moments de cette opération, qui sont aussi les aspects fondamentaux de la totalité telle que le système propose de l’interpréter, s’expriment en catégories spéculatives. Ce que le système tente de montrer, c’est la manière dont ces catégories s’organisent les unes par rapport aux autres. La mise en évidence de leurs relations mutuelles est identiquement la reconstitution, dans le discours, des structures organisatrices de la réalité elle-même. Ce qui fait le caractère systématique du système, c’est donc essentiellement, semble-t-il, la coappartenance des catégories au sein du réseau conceptuel qui fait l’armature du système. Celui-ci fait voir comment chacune des catégories mises en œuvre appelle, directement ou indirectement, chacune des autres. Bien entendu, ces liaisons sont exprimées dans des propositions, mais c’est le lien entre concepts beaucoup plus que le lien entre propositions qui paraît déterminant. Dans la mesure où les catégories ainsi articulées sont censées caractériser les moments constituants de la réalité totale, elles forment un ensemble fermé; tout chemin partant d’une catégorie du système aboutit à une autre catégorie du système. C’est pourquoi celui-ci présente un caractère circulaire.Les systèmes philosophiques (connus) se servent du langage ordinaire, mais ils l’enrichissent d’un certain nombre de catégories interprétatives et ils expliquent le sens de ces catégories en montrant quelles sont leurs connexions mutuelles. On pourrait donc dire qu’un système philosophique est une extension cohérente et saturée du langage ordinaire: il doit (en principe) ne contenir aucune contradiction et être assez riche pour fournir une interprétation de tous les aspects fondamentaux de la réalité.On peut toutefois se demander si l’on n’arrivera pas, dans un avenir plus ou moins proche, à exprimer des théories philosophiques en s’appuyant sur des concepts de type mathématique (d’un degré suffisant d’abstraction et de complexité). On peut d’ailleurs se poser cette question à propos de théories existantes, surtout quand elles ont le caractère d’une «logique». Ainsi, par exemple, le problème de la formalisation de la logique hégélienne fait déjà l’objet de travaux très précis. Il est clair que, le jour où l’on réussira à «formaliser» les théories philosophiques (si c’est vraiment possible), la notion de système formel suffira, comme dans les sciences, à caractériser ce qu’il peut y avoir de systématique dans ces théories.2. La théorie des systèmesLa théorie des systèmes s’efforce d’établir le cadre le plus général à l’intérieur duquel on peut étudier le comportement d’une entité complexe analysable, c’est-à-dire son évolution au cours du temps. Les objets dont s’occupe directement cette théorie sont des entités abstraites, les systèmes. Pour que la théorie puisse être effectivement utilisée, il faut qu’une certaine correspondance soit établie entre un système et le type d’objet étudié (corps matériel, ensemble de corps liés d’une manière plus ou moins rigide, être vivant, société d’êtres vivants, etc.). Deux problèmes se posent donc au niveau épistémologique: celui de la caractérisation interne de la théorie et celui des conditions de son utilisation.La théorie proprement diteUn système est un objet complexe, formé de composants distincts reliés entre eux par un certain nombre de relations. Les composants sont considérés comme des sous-systèmes, ce qui signifie qu’ils entrent dans la même catégorie d’entités que les ensembles auxquels ils appartiennent. Un sous-système peut être décomposé à son tour en sous-systèmes d’ordre inférieur ou être traité (au moins provisoirement) comme un système indécomposable, c’est-à-dire comme un système réduit à un seul élément. L’idée essentielle est que le système possède un degré de complexité plus grand que ses parties, autrement dit qu’il possède des propriétés irréductibles à celles de ses composants. Cette irréductibilité doit être attribuée à la présence des relations qui unissent les composants. On pourra donc parler à ce propos de relations définissantes. Les propriétés globales les plus intéressantes d’un système sont celles qui ont trait à son comportement évolutif. On suppose que l’évolution d’un système est conditionnée à la fois par les modifications internes qui peuvent affecter les composants ou les relations définissantes et par les interactions qui peuvent s’établir entre le système et son environnement. Au cours de son évolution, un système peut conserver une certaine stabilité; il peut aussi se transformer soit dans le sens de la désagrégation, soit dans le sens d’une plus haute intégration.La stabilité est une propriété d’invariance: un système est stable (ou relativement stable) s’il conserve ses propriétés (ou une partie de ses propriétés) malgré les modifications internes qu’il peut subir et malgré les interactions avec l’environnement; ainsi, on pourra parler de la stabilité d’une configuration spatiale pour désigner le maintien des relations géométriques entre les composants. La notion de stabilité n’est évidemment pas incompatible avec celle de variation. Ainsi, un système peut osciller autour d’une position d’équilibre; pour autant qu’il ne s’écarte pas trop de cette position, on admettra qu’il est stable. La non-stabilité peut prendre deux formes: celle d’une évolution vers la désagrégation ou celle d’une évolution vers des configurations plus fortes. Dans les deux cas, on a affaire à une véritable transformation du système. On pourrait parler de modification qualitative, par opposition aux modifications quantitatives, qui ne modifient pas la structure du système (par exemple, les oscillations autour d’une situation d’équilibre). La désagrégation conduit à la rupture, partielle ou totale, du système: rupture partielle s’il y a un affaiblissement des liaisons entre composants (par transformation des relations définissantes), rupture totale s’il y a destruction de ces liaisons. L’autre type d’évolution est ce qu’on appelle l’auto-organisation: c’est un renforcement des relations définissantes (transformation des relations existantes, éventuellement apport de nouvelles relations) qui dote le système de propriétés nouvelles. Ainsi, un système peut acquérir de l’information par ses interactions avec l’environnement et élaborer cette information de façon à se doter de nouveaux mécanismes de rétroaction assurant une meilleure stabilité (capacité de répondre à une gamme plus étendue de perturbations internes ou externes, diminution des écarts par rapport à la position d’équilibre ou du temps nécessaire pour assurer la stabilisation, etc.). L’étude des êtres vivants exige que l’on puisse définir des systèmes capables de se constituer à partir de systèmes plus élémentaires et de se désintégrer soit sous l’action de certaines perturbations (dépassant le seuil d’admissibilité), soit sous l’effet de l’évolution normale du système (phénomène de vieillissement).La théorie des systèmes se propose d’élaborer des représentations mathématiques de ces différents concepts et de suggérer d’autres concepts permettant de caractériser des types de performance de plus en plus complexes (par exemple dans la ligne de l’auto-organisation). La notion fondamentale est celle d’état. On suppose que, à chaque instant, le système peut être caractérisé par une description qui spécifie entièrement sa situation à cet instant. Une telle description détermine ce qu’on appelle son état. Au cours du temps le système passe d’état en état; son évolution entre deux instants est ainsi entièrement caractérisée par la suite des états qu’il a traversés entre ces instants. Le but de la théorie est de déterminer ce qu’on peut dire de l’évolution d’un système quand on possède à son sujet telles ou telles informations (par exemple, structure interne, lois d’interaction entre composants, perturbations d’origine externe, état à un certain instant, évolution au cours d’une certaine période, etc.). Il y a donc, du point de vue méthodologique, trois problèmes essentiels à résoudre: définition de l’état, établissement des lois de transition, mise au point des méthodes permettant de caractériser l’évolution (et, par exemple, de faire des prédictions sur les états futurs).Pour définir un état, on doit mettre en jeu un certain nombre d’attributs auxquels est associée soit une fonction de mesure, soit une fonction de classification. (Si l’on a une fonction de mesure, on peut faire correspondre à l’attribut, à chaque instant, un nombre réel, l’attribut lui-même sera alors représenté par une variable à domaine de variation continu. Une fonction de classification fait correspondre à l’attribut, à chaque instant, une cellule dans un certain ensemble de cellules; comme il est possible de numéroter les cellules, on a une fonction à valeurs entières.) L’état du système, à un instant donné, est l’ensemble des valeurs des attributs à cet instant (plus exactement, l’ensemble des valeurs prises à cet instant par les fonctions associées). S’il y a n attributs, on peut représenter l’état par un point dans un espace à n dimensions, appelé espace de configuration (ou, ce qui revient au même, par un vecteur dans un tel espace). Si l’on se contente d’une description macroscopique, on utilisera des attributs directement applicables au système comme tel; par exemple, en thermodynamique, on utilise les variables «pression» et «température», qui caractérisent le système considéré globalement. Si l’on veut une description permettant de tenir compte de la configuration interne, on devra utiliser des attributs applicables aux composants et définir alors l’état du système en donnant les états des composants et les relations entre composants à l’instant considéré (contraintes internes imposées au système). Dans les deux cas, on pourra représenter l’évolution du système sous la forme d’une trajectoire dans un espace (abstrait) approprié. (Cette trajectoire est engendrée par le déplacement du point représentatif de l’état.)La nature des lois de transition utilisables dépend évidemment de la manière dont l’état est défini. Et le problème de l’étude globale de l’évolution dépend à la fois de la définition des états, de la nature des lois de transition et des hypothèses globales faites sur le système. Il en est ainsi, par exemple, des systèmes dont l’état, à un instant quelconque, peut être déterminé dès qu’on connaît l’état à un autre instant, également quelconque (ou bien seulement à un instant antérieur au précédent, ou encore seulement à un instant postérieur au précédent); des systèmes dits héréditaires, dont l’état, à un instant donné, ne peut être déterminé que si l’on connaît la suite des états traversés entre un certain instant initial et l’instant considéré, ou encore des systèmes où la liaison entre états est partiellement indéterminée.Le cas le plus connu est celui des systèmes dynamiques, qui ont d’abord été étudiés dans le cadre de la mécanique. L’état est alors caractérisé par un certain nombre de grandeurs qui sont supposées varier de façon continue; et la loi de transition est donnée par une équation différentielle qui indique comment varie le vecteur-état entre deux instants infiniment voisins. (L’état à un instant donné est décrit par un vecteur dont les composantes sont les valeurs prises à cet instant par les grandeurs caractéristiques. L’équation exprime le taux instantané de variation de ce vecteur, donc de ses composantes, en fonction de ce vecteur lui-même et du temps; cela signifie que ce taux dépend de l’état dans lequel se trouve le système et de l’instant considéré.) Si l’on connaît l’état à un instant quelconque t , on peut, en «intégrant» cette équation, déterminer l’état à un autre instant quelconque. L’étude de l’évolution du système est alors ramenée à l’étude des propriétés de l’équation différentielle qui le régit. En particulier, les problèmes de stabilité deviennent des problèmes relatifs au comportement des solutions de cette équation. L’analyse mathématique permet du reste de distinguer plusieurs espèces de stabilité. En ajoutant à l’équation un terme qui représente les états traversés par le système entre deux instants donnés, on obtient un instrument permettant d’étudier le comportement d’un système héréditaire (dont l’état, à un moment donné, dépend des états traversés depuis un certain instant initial).Les conditions d’utilisationPour que la théorie générale des systèmes (ou une théorie partielle construite selon les prescriptions de la théorie générale) puisse être utilisée dans l’étude d’un objet réel, il faut que l’on puisse établir, entre la théorie et les propositions qui expriment les informations empiriques relatives à cet objet, une correspondance telle qu’elle permette de mettre la théorie à l’épreuve. Il n’est pas indispensable pour cela que l’on puisse définir des «états» empiriques correspondant aux «états» de la théorie. Mais il faut à tout le moins que l’on puisse associer, fût-ce indirectement, aux «états» théoriques des caractéristiques observables. On doit pouvoir, par ailleurs, interpréter en termes empiriques certaines propriétés théoriques, telles que «stabilité», «périodicité», etc. (Par exemple, on devra disposer d’un critère permettant de dire si, dans des conditions données, l’état de l’objet étudié peut être considéré comme «stable».)Cependant, le problème épistémologique le plus délicat n’est pas celui de cette mise en correspondance, mais celui de la pertinence de la théorie: dans quelle mesure les informations fournies par celle-ci sont-elles réellement significatives par rapport à l’objet étudié? (Par exemple: que nous apprend au juste la théorie lorsqu’elle nous dit qu’un système tend vers la stabilité, et dans quelle mesure un tel résultat concerne-t-il les propriétés vraiment caractéristiques de l’objet?) La réponse à cette question est évidemment fonction de l’idée que l’on se fait de l’objet, indépendamment de la théorie. Celle-ci n’est applicable à un objet concret que par l’intermédiaire d’une certaine schématisation. La limitation du pouvoir de la théorie, c’est très exactement la limitation imposée par cette schématisation. Toute la question est de savoir si celle-ci peut être considérée comme acceptable, par rapport aux problèmes réels que l’on se pose. L’expérience montre que la théorie des systèmes est vraiment féconde (et, du même coup, pertinente) pour l’étude des objets physiques complexes et qu’elle est très prometteuse en ce qui concerne l’étude des êtres vivants. Mais qu’en est-il de son application au comportement humain et aux phénomènes sociaux? Ne doit-on pas tenir compte ici des «significations» et ne doit-on pas dès lors recouvrir à un autre instrument d’analyse? Il semble bien pourtant que la théorie des systèmes – à condition de se complexifier suffisamment – puisse se révéler fort utile dans ce domaine. Elle pourrait du reste être complémentaire d’une méthode herméneutique, attentive aux significations. Le grand problème qui se pose est celui de savoir quelle est au juste la dimension du phénomène humain qui relève d’une analyse en termes de système. Cette question est peut-être une version moderne de l’antique problème de l’âme et du corps. Elle a incontestablement une portée philosophique profonde.
Encyclopédie Universelle. 2012.